No. 61 - Suivre la parade

Parce que le jour viendra.

No. 61 - Suivre la parade
Photo : Jean Gagnon, Wikimedia Commons

Le samedi 21 juin 2025

J’ai beau avoir la fibre nationaliste, je n’ai jamais tant que ça accroché sur la Fête nationale.

C’est bête, mais j’apprécie modérément le fait de me retrouver au beau milieu d’une parade, à côté d’un jambon à la bedaine maquillée en bleu qui hurle « VIVE LE QUÉBEC LIBRE, TABARNAC ! ».

C’est moins ma vibe.

Je me tiens loin des foules en général, et encore plus loin des foules pompettes et amères de ne pas encore avoir réussi à se donner un pays.

J’ai beau avoir la fibre nationaliste, je reste tout de même un brin misanthrope. Je dois partager ça avec ce bon vieux VLB.


Bienvenue à Camille P., Mathieu L., Linda D., Benoît C., Alixe H.-D., Catherine-Natacha L., Simon G., Katy B., Laurence M. et Amandine !

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Notre impressionnant premier ministre François Legault, un peu révisionniste à ses heures, nous aura tout de même appris cette semaine qu’avec son célèbre « Vive le Québec libre », Charles de Gaulle voulait souligner en fait que « le peuple québécois doit s’affirmer dans le Canada ».

Ben oui, toi.

Voilà une autre désillusion à cuver lors de notre prochaine sauterie du 24 juin.

*

Nous traversons une drôle de phase en ce qui concerne le projet souverainiste.

Aux vieux refrains des péquistes bougonneux ou défroqués, comme notre François Legault, s’est ajouté un nouveau discours, beaucoup porté par une frange de la jeune génération, qui associe désormais le nationalisme québécois à une forme de racisme.

Comme si le projet de faire un nouveau pays était un bête exercice de repli sur soi, une astuce pour mettre les « étranges » dehors.

J’ai même entendu une chroniqueuse à la balado de Fred Savard se faire porte-parole de cette mouvance en déclarant avec une belle assurance « ne pas vouloir faire de pays avec des racistes ».

Voilà, c’est réglé.

*

S’identifier comme Québécois·e, se comparer avec les autres peuples autour et se reconnaître une culture distincte, partager une histoire, une langue, et ambitionner de fonder un pays spécifique pour avoir l’impression d’exister… c’est raciste, maintenant ?

Bien sûr, à force d’en parler depuis deux générations, il s’est dit beaucoup de niaiseries à propos de l’indépendance. Il s’en dira encore beaucoup et les niaiseries ne se tairont pas non plus lorsque le pays en question sera concrétisé.

Aussi, s’il faut en parler encore alors que la rivalité PQ/PLQ fait son grand retour, j’aimerais tenter un pas de recul et inscrire le projet dans l’Histoire du monde depuis le début du XXe siècle.

Juste pour se remettre dans le bain du débat.

264 %

Ainsi, pendant longtemps, les peuples étaient divisés en royaumes. Il y en avait partout : en Asie, en Europe, en Amérique. 

Certains royaumes plus ambitieux ont décidé de soumettre d’autres royaumes et sont petit à petit devenus des empires, avalant des peuples entiers pour en faire des colonies.

En 1922, l’Empire britannique était à son apogée. Il rassemblait un quart de la population mondiale, soit quatre cents millions de personnes dispersées sur tous les continents. Cet empire sur lequel « le soleil ne se couchait jamais » fut le plus vaste jamais constitué au cours de l’histoire humaine.

Sauf que le concept des empires a rendu un paquet de gens malheureux. Apparemment, assez peu de peuples trippaient sur ça, être colonisés.

Quand on sent qu’on forme une culture, on finit par rêver d’un pays pour prendre en main le destin de cette culture sans avoir à demander la permission à une autre culture (plus grosse).

Voilà ce qui pourrait être la façon la plus rapide de résumer l’histoire du XXe siècle.

Les colonisés malheureux se sont tannés. Les empires se sont effondrés. Les pays indépendants se sont multipliés. Rien de tout ceci ne s’est fait dans la bonne humeur, la joie et l’allégresse, mais ça s’est fait.

En 1914, il n’y avait que 53 États légalement reconnus dans le monde. 

L’ONU rassemble aujourd’hui 193 États membres.

En un peu plus d’un siècle, le nombre de pays a donc bondi de 264 %. 

Nombre de pays, au 31 décembre de chaque année. Source : Wikipédia

Faire un pays, c’est tendance

La tendance lourde de la civilisation humaine mondiale, c’est donc ça : on s’invente des pays. Parce que les empires, tout le monde hait ça.

Aussi, quand le pseudo-roi fou qui occupe temporairement la Maison-Blanche parle d’annexer le Groenland ou le Canada, il est aussi à la mode dans ses ambitions impérialistes que dans le choix de ses chansons à ses rallyes.

Le projet d’indépendance du Québec s’inscrit dans ce long chemin. Depuis plus d’un siècle maintenant, l’Histoire s’entête à donner des pays à tous ces peuples qui ressentent le besoin d’exister. 

Un jour, il y aura un pays pour les francophones d’Amérique.

Dans ce pays, hélas, il y aura des racistes.

Parce qu’on n’est pas en train de créer un monde de licornes et de petits lutins.

On fait juste suivre la parade.

*

Allez, bon samedi !


EN PARLANT DE ÇA

Un lecteur, Benoit Yves Ethier (c’est son nom de plume) m’a fait parvenir son essai sur une autre option pour la souveraineté, dans une tentative de dépoussiérer le projet souverainiste.

Son idée, la SéparOption : « est un concept géopolitique par lequel le Québec se sépare simultanément du Canada et du West Island of Montreal afin de protéger sa culture francophone. »

En gros, l’idée est de suivre l’idée de Pierre Elliott Trudeau, qui a déclaré « Si le Canada est divisible, le Québec doit aussi être divisible ».

Il s’agirait donc de faire de l’ouest de Montréal, si elle le décide, une province canadienne enclavée dans le territoire du pays québécois.

Original. Souhaitable ? Réaliste ?

Pour en savoir plus : https://separoption.com

J’ai une affection particulière pour Mononc’ Serge. Ma première affectation à vie, pour le journal étudiant L’Axiome du Cégep de Jonquière, fut d’interviewer cet iconoclaste, alors bassiste des Colocs. Il y a 10 ans, au moment où le milliardaire Pierre Karl Péladeau se lançait en politique en levant le poing au ciel, Mononc’ a pondu cette chansonnette pour enterrer le discours séparatiste périmé depuis les années 70. Une pièce que vous n’entendrez pas à un spectacle de la St-Jean près de chez vous.

Écoutez mes « chansons pour la route » sur Apple Music >


Si vous avez un·e ado qui traîne, sachez que le 3e tome de ma série jeunesse vient tout juste d’atterrir en librairie! C’est le plus sombre de la tétralogie... mon Empire contre-attaque !

Je m’appelle Steve Proulx.

Pour gagner ma vie, j’écris. Je fais ça depuis près de 30 ans. Vous m’avez sans doute déjà lu quelque part (ne serait-ce qu’en ce moment même).

Voir aussi :